L’emploi du peroxyde d’hydrogène en tant qu’agent de prévention des infections, désinfectant, de bio-décontaminant et agent stérilisant (de surface) est largement répandu dans les industries agroalimentaires, les établissements de santé, plus récemment en productions pharmaceutiques.
Dans cette dernière, il est particulièrement mis en œuvre dans les locaux classés propres, pour les décontaminations de salles blanches[1] de leur CTA par DSVA, lors de la mise en condition post nettoyage, et pour la maîtrise des procédés aseptiques, dans les systèmes barrières (sas de transfert, RABS et isolateurs[2]).
Citons quelques exemples de publications récentes autour de ces procédés H2O2 en zone de process aseptique : on y parle de bio-décontamination et de « stérilisation de surface ».
La Vague 33 – Février 2012 : Cahier Pratique « Répartition aseptique sous Isolateur ou open RABS? » Evaluation des coûts totaux : Investissement et fonctionnement : b) L’Isolateur… En règle générale il intègre un système automatique de décontamination avec un agent sporicide (H2O2 : peroxyde d’hydrogène) qui garantit la décontamination de toutes les surfaces internes, ce qui renforce la maîtrise des risques de contamination donc le NAS.
La Vague 37 – Avril 2013 : Nouvel atelier pour la fabrication de produits conjugués hautement actifs : …de stérilisation au peroxyde d’hydrogène des surfaces internes des isolateurs.
La Vague 52 – Janvier 2017 : Advanced vaporized H2O2 decontamination technology for pharmaceutical isolators. Reduction of H2O2 decontamination cycle time using direct injection nozzles : …Besides the conditioning systems for temperature and humidity an isolator therefore incorporates automated processing units for reproducible bio-decontamination (sterilization), mostly by using vaporized H2O2.
Devant ces applications multiples, pour lesquelles la maîtrise de la bio-contamination est impérative, via la désinfection, la bio-décontamination et/ou la stérilisation, quel état peut-on atteindre avec certitude (niveau d’assurance) aujourd’hui par un traitement à l’H2O2 vaporisé?
Selon l’USP[3], « Le peroxyde d’hydrogène en phase vaporisée (V H2O2) est capable de stérilisation (PSMO < 10-6) de surfaces lorsque les conditions de process l’autorisent et si la cible de la stérilisation est convenablement configurée. Cependant, le peroxyde d’hydrogène vaporisé est également couramment utilisé en tant qu’agent décontaminant lors du déroulement des tests de stérilité, le confinement biologique et chimique, des isolateurs de production et des salles blanches. La décontamination de surface est un process qui est distinct de la stérilisation des surfaces en contact avec le produit, des systèmes de fermeture des contenants (emballages primaires), ou du produit lui-même ».
Principes usuels de mise en œuvre de l’H2O2
L’H2O2 peut être employé à la pression atmosphérique sous forme de micro gouttelettes, nébulisé sous pression, par centrifugation, par évaporation, ou de vapeur en phase de condensation dans une voie très humide, parfois jusqu’ au ruissellement sur la charge ou la surface à traiter.
Toujours sous conditions atmosphériques, il peut être appliqué sous forme de peroxyde d’hydrogène vaporisé (V H2O2), impliquant un changement de phase (liquidegaz) avec là encore une approche humide par micro condensation[4] ou de brume sèche[5], ou moins humide sans condensation visible[6;7]. Ce principe de vaporisation-condensation a pour avantage de concentrer l’H2O2 au contact de la surface de la charge à traiter, pour une efficacité renforcée. Il existe enfin les procédés non atmosphériques, permettant de réaliser une stérilisation à basse température (établissements de santé), utilisant généralement le vide[8], avec parfois le passage sous forme de gaz plasma H2O2[9]. Ce traitement basse température (avec ou en absence de plasma) à sec, stérilisant avec un NAS de 10-6, est réservé aux DM n’étant pas compatibles avec les traitements préconisés de stérilisation traditionnelle (chaleur), emballés en vue de leur conservation et utilisation post stérilisation (ISO 14937:2009). Il est courant de pratiquer et revendiquer une bio-décontamination dans les sas de transferts et isolateurs pour tests de stérilité, afin de maintenir un état propre et destiné aux activités aseptiques : transfert, répartition, tests de stérilité.
Ci-après quelques exemples montrant la maîtrise du système, et parfois ses propres limites
Exemple 1 : Application de dé-contamination de matériel suremballé en sas de transfert H2O2
Type de charge : solides, tels que des matériels, outils, accessoires, réactifs… suremballés par un emballage ultrapropre permettant le maintien de stérilité ou décontaminé après exposition à l’agent de traitement (H2O2, produit du commerce à 35%)
Plan de charge : défini et validé (par cartographie via indicateurs biologiques (x3/point pour éviter les Indicateurs Biologiques dissidents : « rogue BI »)
Type de système : générateur d’H2O2 vaporisé intégré au sas de transfert de matériel (vaporisation par effet thermique sur une plaque chaude, entrainée vers l’enceinte de décontamination, par un courant d’air comprimé process chauffé)
Cycle en Routine :
Test d’étanchéité sous pression (pressurisation à 550 Pa, puis 10 min de maintien, avec une perte < 10Pa/min, et un seuil final >250Pa) : pressurisation de la chambre à l’air comprimé (facultatif, mais recommandé 1/jour pour la sécurité de l’installation). NB : le reste du cycle est réalisé à pression atmosphérique.
Séchage (HR < 10%), par injection d’air comprimé process sec.
Conditionnement : injection d’H2O2 jusqu’au seuil prédéfini selon paramétrage du cycle, habituellement de 400 à 1 200 ppm. NB : mesure in situ par sonde process haute concentration, indépendante du générateur d’H2O2 Injection d’H2O2 vaporisé et régulation dynamique permettant de s’affranchir du type de charge (poreuse ou non), et sans lien avec un couple (XX g/min) pendant (Y minutes).
Plateau de décontamination : 15 min (de 10 à 40 min selon validation).
Aération : réalisée en « tout air neuf », 15 min environ, sous contrôle successif des 2 capteurs d’H2O2 (haute concentration durant le cycle, puis basse concentration (1-50 ppm) en fin de cycle, pour la sécurité opérateur).
Résultats
Durée du cycle présenté : 75 minutes (incluant le test en pression 30 min), < à 60 min en routine.
Par comparaison, un cycle de décontamination d’un isolateur selon ce même procédé nécessite un temps de cycle de 3 à 4 heures, incluant une longue phase d’aération finale.
Niveau de décontamination atteint en routine en sas de transfert : 6 Log10, validés par Indicateurs Biologiques (IB)
Spécificité du procédé à l’H2O2 vaporisé
Bien que l’on sache définir, par analogie à la stérilisation en chaleur humide, une valeur D, temps de réduction décimale, (un Log10 correspond à une réduction de 90% de la population présente de bactéries), ce système d’approche par valeur D est complexe à mettre en œuvre et avec quelques limitations[10], dans un sas ou isolateur, de part les phases en présence (liquide et gaz), et les matériaux traités. A titre d’exemple, quelques études sur isolateurs[11] montrent des valeurs D allant de 1,8 à 5 minutes sur Indicateurs Biologiques, et atteignant des réductions logarithmiques de spores de 10 voire 12. Sous conditions particulières[12], et notamment lors de validation d’efficacité d’un cycle de décontamination d’un isolateur, on peut atteindre un SAL de 10-6, sous réserve stricte d’utiliser l’indicateur dans les seules conditions décrites et testées par son fabricant[13]. Ce qui ne représente pas un cas « concret » et praticable au sens du process réalisé en routine, mais un cas particulier permettant de valider la théorie. La concentration résiduelle d’H2O2, au moment du plateau (et même en phase d’aération finale) « dans l’ambiance » de la chambre de décontamination et sur la charge, est influencée elle-même par la qualité des matériaux exposés. Son efficacité est en effet fonction des types de matériaux en présence, de leurs états de surface (adsorption), de leur porosité (absorption, pénétration ou perméabilité), de leurs emballages, mais avant tout des surfaces spécifiques réellement exposées (mesurables ou non). Ce phénomène complexe à appréhender, concerne non seulement les emballages des charges à traiter, mais aussi les parties non métalliques telles que les joints, les gants (pour les isolateurs), et les charges à décontaminer, pouvant impacter même jusqu’à la « qualité » d’Indicateurs Biologiques employés (rogue BI (La Vague N°32)) fonction du support, et de la maitrise du procédé de fabrication de ces IB.
Ce procédé de bio-décontamination par voie chimique est fonction de la concentration H2O2 vaporisé, présent dans « l’ambiance » de la chambre, puis condensé en phase liquide à la surface de la charge. Par extension, et du fait des équilibres liquide/gaz, de la concentration présente (gaz et/ou liquide en suspension en phase vapeur) dans la chambre (mesurable par sondes H2O2 embarquées) et sur la surface (difficilement mesurable en routine) de la charge. Ce même procédé est aussi influencé par l’humidité relative (hygrométrie) en début de cycle, et par la température, car toutes deux influencent de manière directe l’équilibre liquide/gaz dans le volume traité (même si cet équilibre n’est jamais établi, puisque le procédé est dynamique). L’homogénéité de température, l’efficacité du brassage, et de l’homogénéité de distribution du fluide décontaminant (point chaud proche du point d’injection du courant chaud composé d’H2O2+H2O+air vecteur[10]) sont également à bien considérer et à maîtriser pour obtenir un procédé efficace, et un cycle de bio-décontamination répétable puis validable (cf exemple 1).
Exemple 2 : Application et compatibilité des matériaux lors du traitement de décontamination d’un isolateur des charges à traiter lors de tests de stérilité
Type de charge : liquides conditionnés en récipients étanches de type produits ophtalmiques avec compte-goutte à vis (plastic non identifié), unidose produite par technologie Blow Fill Seal… suremballés éventuellement par un emballage de stérilisation (de type tyvek® et lm plastique transparent) permettant le maintien de stérilité ou décontaminé après exposition à l’agent de traitement (H2O2, produit du commerce à 35%
Plan de charge : défini avec indicateurs biologiques à 106 et chimiques, et bandelettes pour mesure de pénétration dans les liquides (post cycle)
Type de système : sas de transfert et/ou isolateur, avec générateur d’H2O2 vaporisé intégré (vaporisation par effet thermique sur une plaque chaude, entrainé vers l’enceinte de décontamination, par un courant d’air comprimé chauffé).
Cycle standard testé :
Séchage (HR < 10%), par injection d’air comprimé sec à seuil défini (<10 %).
Conditionnement : injection d’H2O2 jusqu’au seuil prédéfini selon paramétrage du cycle, habituellement 400 à 1 200 ppm. NB : mesure in situ par sonde process haute concentration, indépendante du générateur d’H2O2. Injection d’H2O2 vaporisé et régulation dynamique.
Plateau de décontamination : de 5 min@1200 ppm à 30 min@800 ppm.
Aération : réalisée en « tout air neuf », 15 min environ, sous contrôle successif des 2 capteurs d’H2O2 en haute concentration durant le cycle, puis en basse concentration (1-50 ppm) en fin de cycle, pour la sécurité opérateur.
Résultats
Selon mesure par détecteur d’H2O2 (portatif) ou par bandelettes introduites dans la charge après la fin du cycle.
Niveau de décontamination atteint sur toutes les charges : 6 Log10
Niveau résiduel à la surface d’un emballage plastique : < 0,5 ppm
Niveau résiduel dans l’emballage plastique : 32 ppm : l’H2O2 à pénétré l’emballage et est piégé après la phase d’aération. Altération possible de la charge au contact prolongé d’H2O2
Niveau résiduel à la surface des charges emballées en tyvek® : 7 ppm. Nécessite une aération plus longue
Niveau résiduel dans l’enveloppe tyvek® : < 0,5 ppm
Niveau résiduel dans les unidoses BFS en PE, réalisé par ouverture du récipient et imprégnation de bandelette : > 3 ppm pour le cycle 30min@800 ppm
Niveau résiduel dans les unidoses BFS en PE, réalisé par ouverture du récipient et imprégnation de bandelette : < 0.5 ppm pour le cycle 5min@1200 ppm (cycle « pic »)
On voit ici que le développement du cycle est fondamental et à adapter en fonction du plan de charge, du type de matériaux, du type d‘emballage. Pour un même emballage (de type tyvek®), la gestion du temps d’exposition et d’aération peuvent influencer le résultat final, selon que l’on pratique un test de stérilité ou une simple décontamination. D’autres emballages sont totalement perméables mais peuvent « piéger l’H2O2 » en leur sein avec une altération de la charge qu’ils protègent, sans laisser paraitre d’H2O2 résiduel à leurs surfaces. Enfin d’autres matériaux, peuvent être partiellement perméables (unidose BFS en PE) avec un effet stérilisant ou décontaminant de l’H2O2 ayant pénétré, néfaste pour l’effet recherché, notamment lors d’un test de stérilité réalisé sur produit fini, pouvant entrainer de faux négatifs (charges stérilisées par l’H2O2 ayant pénétré celle-ci). Par contre, le développement de paramètres adéquats (cycle « pic ») peut permettre la maitrise de ce phénomène parasite.
Conclusion
Stérilisation ou décontamination ? Tout n’est qu’affaire d’analyse, d’ajustement de paramètres après analyse des conditions opératoires, de développement et de validation de procédés. On peut considérer que dans l’ensemble des applications usuelles, le traitement à l’H2O2 consiste en une bio-décontamination, pour autant que les paramètres soient adaptés à la charge et pour l’application à réaliser. On parlera de « stérilisation de surface » de la charge décontaminée, lorsque celle-ci, introduite dans un milieu déjà contrôlé activement, est apte à subir une décontamination de 6 Log10, propre à une activité en milieu aseptique. A l’exception des stérilisateurs à l’H2O2 fonctionnant sous procédé plasma, aucune application de routine ne permet la stérilisation au peroxyde d’hydrogène alliant la réduction de 6 Log10 et un NAS de 10-6.